lundi 7 octobre 2013

Wilfrid Lupano et Jérémie Moreau. Le singe de Hartlepool.

Résumé
Cette bande dessinée évoque la légende, datant de l'ère napoléonienne, selon laquelle un chimpanzé, seul survivant d'un naufrage au large des côtes de l'Angleterre, fut arrêté, trainé en justice, accusé d'espionnage et finalement pendu par les habitants de Hartlepool. Personne ne sachant à l'époque à quoi ressemblait un français, on aurait pris le chimpanzé pour un espion français.

Présentation
Auteur de plusieurs bandes dessinées chez Delcourt, entre autres Sarkozix et L'homme qui n'aimait pas les armes à feu, Wilfrid Lupano a fait appel aux talents de dessinateur de Moreau pour illustrer cette légende issue de l'éternel antagonisme franco-britannique; le singe de Hartlepool. Ayant entendu parler de cette légende par un ami britannique, Lupano a décidé d'effectuer quelques recherches sur la question. Or, hormis quelques chansons de navires ou gravures, aucune trace historique de cette soi-disant épopée ne subsiste (20minutes.fr, 2012). Lupano s'est donc basé sur ce que véhicule cette légende pour créer les personnages; le pouvoir, la revanche, la peur et l'ignorance. Et tout porte à croire qu'il a vu juste, car Le singe de Hartlepool a remporté 24e Prix des Libraires de Bande Dessinée en France.
 
Appréciation
J'ai beaucoup apprécié cette bande dessinée. La façon dont l'antagonisme franco-britannique est abordé, en mettant l'emphase sur la méconnaissance de l'autre et le nationalisme exacerbé dont il était porteur, est intéressante. L'auteur a d'ailleurs voulu «aborder l'histoire comme une fable, drôle mais cruelle, dans laquelle aucune forme de racisme et de discrimination n'est épargnée. Au détour de l'histoire du singe, on parle aussi de racisme ethnique, d'esclavage, de sexisme, de haine du village voisin, du croyant d'en face etc.» (20minutes.fr, 2012). J'ai apprécié qu'un sujet aussi sérieux que le nationalisme, sujet qui est d'ailleurs toujours d'actualité, soit abordé à l'aide d'une légende un peu loufoque, remplie de dialogues plus comiques les uns que les autres. Autre fait intéressant, les enfants sont mis au premier plan dans cette version de la légende du singe de Hartlepool. L'auteur l'explique de la manière suivante: «Il m'a semblé important de parler du rôle des enfants, car ils sont la chair à canon des nationalismes de demain - la réserve de viande, élevée dans cet objectif - et donc concernés au premier chef» (20minutes.fr, 2012). Bref, il s'agit d'une bande dessinée «désopilante qui se défend bien de prendre parti entre les anglais et les français, mais se contente plutôt - avec brio - de montrer la nature humaine telle qu’elle est, l’esprit parfois un peu obtus, la gâchette de la suspicion rapidement enclenchée» (Le Libraire, 2013)